Les juges ont eu l'occasion d'apporter une précision majeure au sujet de la renonciation à la condition suspensive de prêt pour les actes notariés, dans un arrêt publié au bulletin, du 18 mars 2021 rendu par la troisième chambre civile de la Cour de Cassation (20-16.354).


Il s'agissait en l'espèce de deux époux recherchant un acquéreur, bénéficiant d'une capacité financière suffisamment importante pour acquérir leur bien sans condition suspensive de crédit. Après avoir trouvé un couple d'acquéreurs répondant à cette exigence, les vendeurs ont promis la vente de leur maison à ces derniers, par un acte notarié du 5 février 2014. Cette promesse unilatérale de vente comportait une mention dactylographiée de la renonciation au bénéfice de la condition suspensive de crédit prévu par la loi Scrivener.

Suite à une demande de prorogation du délai de la signature définitive de la vente acceptée jusqu'au 29 août 2014, les bénéficiaires de la promesse se sont finalement rétractés le 2 août 2014, faute d'obtention d'un crédit. Les vendeurs ont alors sollicité le versement de l'indemnité d'immobilisation prévue dans la promesse, ce qui leur a été refusé jusqu'à ce que les acquéreurs aient été mis en demeure de devoir régler la somme due.

Après avoir été déboutés de leurs demandes par le tribunal de Grande Instance de Nanterre, les acquéreurs ont obtenu de la Cour d'Appel de Versailles la restitution de l'indemnité d'immobilisation par les vendeurs, notamment au motif qu'en l'absence de renonciation par une mention manuscrite, l'acte est considéré comme conclu sous condition suspensive d'obtention de crédit.

Les propriétaires du bien ont à la suite de cet arrêt, formé un pourvoi en Cassation en invoquant dans sa seconde branche la violation de l'article 1317-1 du code civil et L.312-17 du code de consommation par la Cour d'Appel de Versailles.

La question de posait alors de savoir si, dans un acte authentique, la renonciation à la condition suspensive d'obtention d'un prêt doit être obligatoirement mentionnée sous forme manuscrite par les acquéreurs pour être valable.

La Cour de Cassation y répond négativement dans cet arrêt du 18 mars 2021 publié au bulletin, en cassant l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Versailles, et vient apporter une précision importante quant aux conditions de renonciation de la condition suspensive d'obtention d'un prêt dans un contrat de vente.

En effet, si la Cour d'Appel affirmait que selon les dispositions d'ordre public de l'article L312-17 du code de la consommation, la mention de renonciation de la condition suspensive devait être manuscrite, quelque soit la forme de l'acte en question, la Cour de Cassation rappelle ici que contrairement aux actes sous seing privé, l'acte authentique établi par un notaire est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi.

En d'autres termes, une mention dactylographiée de renonciation à la condition suspensive de prêt suffit pour les actes notariés, comme c'est le cas pour les actes de cautionnement.

  • Une dérogation à la règle « Specialia generalibus derogant »

Cette décision permet de préciser l'articulation entre deux dispositions :

- l'article L312-17 (ancien) du code de consommation qui dispose « si la mention exigée au premier alinéa du présent article manque ou n'est pas de la main de l'acquéreur et si un prêt est néanmoins demandé, le contrat est considéré comme conclu sous la condition suspensive prévue à l'article L. 312-16 » ;

- l'article 1317-1 (ancien devenu 1365 du code civil) qui prévoit que « L'acte reçu en la forme authentique par un notaire est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi ».

La Cour de Cassation vient ainsi consacrer l'absence de dérogation à l'article précité du code civil. Ses dispositions s'imposent, nonobstant le principe ordinairement applicable, selon lequel les règles spéciales dérogent aux règles générales; et ce, malgré le fait que les dispositions de l'article L312-17 relèvent de l'ordre public.

De plus, dans la mesure ou l'entrée en vigueur de l'article 1317-1 du Code Civil est postérieure à celle de l'article L312-17 du Code de consommation; on pouvait naturellement penser que le premier prévaut sur le second.

La Cour de Cassation a effectivement privilégié ici une application du texte général du Code Civil, et a rendu une décision éclairant les exigences de forme relatives aux actes notariés.

  • Une exigence de forme contraignante, dispensée pour les actes notariés.

L'apport majeur de cet arrêt réside dans la précision faite par la Cour de Cassation quant aux exigences de forme relatives aux actes notariés : Une mention manuscrite n'est pas obligatoire pour renoncer à la condition suspensive de prêt lors d'un achat immobilier; elle l'est néanmoins pour les actes sous seing privé.

Afin de comprendre la raison de cette différenciation, il est important de préciser la raison d'être de l'obligation de mention manuscrite imposée par l'article L313-42 (nouveau) du Code Consommation. Elle est destinée à donner du poids au consentement de l'acquéreur, quant à la portée de son engagement et aux risques financiers encourus pour l'achat d'un bien immobilier sans crédit.

Or, un acte authentique établi par un notaire implique un devoir de conseil de la part de ce dernier qui informe l'acquéreur des risques relatif à son engagement. Il apparait donc cohérent qu'une simple signature dactylographiée soit suffisante pour ce types d'actes juridiques, conformément à l'article 1369 (nouveau) du code civil.

Cette décision se place alors dans la continuité de la loi du 28 mars 2011 sur la modernisation des professions judiciaires, et notamment la profession de notaire, en permettant la numérisation des actes authentiques, notamment signés sous forme dactylographiée.